Poems Without Frontiers

Poems in Translation

Alfred de Musset




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La Nuit de Mai
Alfred de Musset

La Muse
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser;
La fleur de l'églantier sent ses bourgeons éclore.
Le printemps naît ce soir; les vents vont s'embraser;
Et la bergeronnette, en attendant l'aurore,
Aux premiers buissons verts commence à se poser.
Poète, prends ton luth, et me donne un baiser.

Le Poète
Comme il fait noir dans la vallée!
J'ai cru qu'une forme voilée
Flottait là-bas sur la forêt.
Elle sortait de la prairie;
Son pied rasait l'herbe fleurie;
C'est une étrange rêverie;
Elle s'efface et disparaît.

La Muse
Poète, prends ton luth; la nuit, sur la pelouse,
Balance le zéphyr dans son voile odorant.
La rose, vierge encor, se referme jalouse
Sur le frelon nacré qu'elle enivre en mourant.
Écoute! tout se tait; songe à la bien-aimée.
Ce soir, sous les tilleuls, à la sombre ramée
Le rayon du couchant laisse un adieu plus doux.
Ce soir, tout va fleurir; l'immortelle nature
Se remplit de parfums, d'amour et de murmure,
Comme le lit joyeux de deux jeunes époux.

Le Poète
Pourquoi mon cœur bat-il si vite?
Qu'ai-je donc en moi qui s'agite,
Dont je me sens épouvanté?
Ne frappe-t-on pas à ma porte?
Pourquoi ma lampe à demi morte
M'éblouit-elle de clarté?
Dieu puissant! tout mon corps frissonne.
Qui vient? qui m'appelle? - Personne.
Je suis seul; c'est l'heure qui sonne;
O solitude! Ô pauvreté!

La Muse
Poète, prends ton luth; le vin de la jeunesse
Fermente cette nuit dans les veines de Dieu.
Mon sein est inquiet; la volupté l'oppresse,
Et les vents altérés m'ont mis la lèvre en feu.
O paresseux enfant, regarde, je suis belle.
Notre premier baiser, ne t'en souviens-tu pas,
Quand je te vis si pâle au toucher de mon aile,
Et que, les yeux en pleurs, tu tombas dans mes bras?
Ah! je t'ai consolé d'une amère souffrance!
Hélas! bien jeune encor, tu te mourais d'amour.
Console-moi ce soir, je me meurs d'espérance;
J'ai besoin de prier pour vivre jusqu'au jour.

Le Poète
Est-ce toi dont la voix m'appelle,
O ma pauvre Muse, est-ce toi?
O ma fleur! ô mon immortelle!
Seul être pudique et fidèle
Où vive encor l'amour de moi!
Oui, te voilà, c'est toi, ma blonde,
C'est toi, ma maîtresse et ma sœur!
Et je sens dans la nuit profonde,
De ta robe d'or qui m'inonde,
Les rayons glisser dans mon cœur.

La Muse
Poète, prends ton luth, c'est moi, ton immortelle,
Qui t'ai vu cette nuit triste et silencieux;
Et qui, comme un oiseau que sa couvée appelle,
Pour pleurer avec toi, descends du haut des cieux.
Viens, tu souffres, ami. Quelque ennui solitaire
Te ronge; quelque chose a gémi dans ton cœur;
Quelque amour t'est venu, comme on en voit sur terre,
Une ombre de plaisir, un semblant de bonheur.
Viens! chantons devant Dieu; chantons dans tes pensées,
Dans tes plaisirs perdus, dans tes peines passées,
Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu.
Éveillons au hasard les échos de ta vie,
Parlons-nous de bonheur, de gloire, et de folie,
Et que ce soit un rêve, et le premier venu.
Inventons quelque part des lieux où l'on oublie;

Partons, nous sommes seuls; l'univers est à nous.
Voilà la verte Écosse, et la brune Italie,
Et la Grèce, ma mère, où le miel est si doux;
Argos, et Ptéléon, ville des hécatombes,
Et Messa la divine, agréable aux colombes;
Et le front chevelu du Pélion changeant;
Et le bleu Titarèse, et le golfe d'argent
Qui montre dans ses eaux où le cygne se mire
La blanche Oloossone à la blanche Camyre.
Dis-moi, quel songe d'or nos chants vont-ils bercer?
D'où vont venir les pleurs que nous allons verser?
Ce matin, quand le jour a frappé ta paupière,
Quel séraphin pensif, courbé sur ton chevet,
Secouait des lilas dans sa robe légère,
Et te contait tout bas les amours qu'il rêvait?
Chanterons-nous l'espoir, la tristesse ou la joie?
Tremperons-nous de sang les bataillons d'acier?
Suspendrons-nous l'amant sur l'échelle de soie?
Jetterons-nous au vent l'écume du coursier?
Dirons-nous quelle main, dans les lampes sans nombre
De la maison céleste, allume nuit et jour
L'huile sainte de vie et d'éternel amour?
Crierons-nous à Tarquin: "Il est temps, voici l'ombre?"
Descendrons-nous cueillir la perle au fond des mers?
Mènerons-nous la chèvre aux ébéniers amers?
Montrerons-nous le ciel à la Mélancolie?
Suivrons-nous le chasseur sur les monts escarpés?
La biche le regarde; elle pleure et supplie,
Sa bruyère l'attend; ses faons sont nouveau-nés;
Il se baisse, il l'égorge; il jette à la curée
Sur les chiens en sueur son cœur encor vivant.
Peindrons-nous une vierge, à la joue empourprée,
S'en allant à la messe, un page la suivant,
Et d'un regard distrait, à côté de sa mère,
Sur sa lèvre entr'ouverte oubliant sa prière?
Elle écoute en tremblant dans l'écho du pilier
Résonner l'éperon d'un hardi cavalier.
Dirons-nous aux héros des vieux temps de la France
De monter tout armés aux créneaux de leurs tours,
Et de ressusciter la naïve romance
Que leur gloire oubliée apprit aux troubadours?
Vêtirons-nous de blanc une molle élégie?
L'homme de Waterloo nous dira-t-il sa vie,
Et ce qu'il a fauché du troupeau des humains,
Avant que l'envoyé de la nuit éternelle
Vînt sur son tertre vert l'abattre d'un coup d'aile,
Et sur son cœur de fer lui croiser les deux mains?
Clouerons-nous au poteau d'une satire altière
Le nom sept fois vendu d'un pâle pamphlétaire,
Qui, poussé par la faim, du fond de son oubli,
S'en vient tout grelotant d'envie et d'impuissance,
Sur le front du génie insulter l'espérance,
Et mordre le laurier que son souffle a sali?
Prends ton luth! prends ton luth! je ne peux plus me taire.
Mon aile me soulève au souffle du printemps.
Le vent va m'emporter; je vais quitter la terre.
Une larme de toi! Dieu m'écoute; il est temps.

Le Poète
S'il ne te faut, ma sœur chérie,
Qu'un baiser d'une lèvre amie,
Et qu'une larme de mes yeux,
Je te les donnerai sans peine;
De nos amours qu'il te souvienne,
Si tu remontes dans les cieux.
Je ne chante ni l'espérance,
Ni la gloire, ni le bonheur,
Hélas! pas même la souffrance.
La bouche garde le silence
Pour écouter parler le cœur.

La Muse
Crois-tu donc que je sois comme le vent d'automne
Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau,
Et pour qui la douleur n'est qu'une goutte d'eau?
O poète! un baiser, c'est moi qui te le donne;
L'herbe que je voulais arracher de ce lieu,
C'est ton oisiveté; ta douleur est à Dieu.
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure,
Laisse-la s'élargir cette sainte blessure
Que les noirs séraphins t'ont faite au fond du cœur;
Rien ne nous rend si grands qu'une grande douleur.
Mais pour en être atteint ne crois pas, ô poète,
Que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux,
Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots.

Lorsque le pélican, lassé d'un long voyage,
Dans les brouillards du soir retourne à ses roseaux,
Ses petits affamés courent sur le rivage
En le voyant au loin s'abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie,
Ils courent à leur père avec des cris de joie,
En secouant leurs becs sur leurs goîtres hideux.
Lui, gagnant à pas lents une roche élevée,
De son aile pendante abritant sa couvée,
Pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte;
En vain il a des mers fouillé la profondeur;
L'océan était vide, et la plage déserte;
Pour toute nourriture il apporte son cœur.
Sombre et silencieux, étendu sur la pierre,
Partageant à ses fils ses entrailles de père,
Dans son amour sublime il berce sa douleur;
Et regardant couler sa sanglante mamelle,
Sur son festin de mort il s'affaisse et chancelle
Ivre de volupté, de tendresse et d'horreur.
Mais parfois, au milieu du divin sacrifice,
Fatigué de mourir dans un trop long supplice,
Il craint que ses enfants ne le laissent vivant;
Alors il se soulève, ouvre son aile au vent,
Et se frappant le cœur avec un cri sauvage,
Il pousse dans la nuit un si funèbre adieu,
Que les oiseaux des mers désertent le rivage,
Et que le voyageur attardé sur la plage,
Sentant passer la mort, se recommande à Dieu.

Poète, c'est ainsi que font les grands poètes.
Ils laissent s'égayer ceux qui vivent un temps;
Mais les festins humains qu'ils servent à leurs fêtes
Ressemblent la plupart à ceux des pélicans.
Quand ils parlent ainsi d'espérances trompées,
De tristesse et d'oubli, d'amour et de malheur,
Ce n'est pas un concert à dilater le cœur.
Leurs déclamations sont comme des épées;
Elles tracent dans l'air un cercle éblouissant;
Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.

Le Poète
O muse, spectre insatiable,
Ne m'en demande pas si long.
L'homme n'écrit rien sur le sable
A l'heure où passe l'aquilon.
J'ai vu le temps où ma jeunesse
Sur mes lèvres était sans cesse
Prête à chanter comme un oiseau.
Mais j'ai souffert un dur martyre
Et le moins que j'en pourrais dire,
Si je l'essayais sur ma lyre,
La briserait comme un roseau.


May Night
Alfred de Musset

Muse
Poet, take up your lute and give me a kiss;
The wild rose scent bursts from its flowering bud
Spring is born tonight; the ardent winds will blow:
And the wagtail, whilst waiting for dawn,
Is perched in bushes turned freshly to green.
Poet, take up your lute and give me a kiss;

Poet
How dark it is in the valley!
I thought that a shapeless form
Floated there over the forest.
It came from the field
Its foot grazing the flowering grass;
What a strange vision is this
That fades and disappears!

Muse
Poet, take up your lute; night upon the lawn
Rocks the zephyr in its odorous wings.
The still virginal rose chastely withdraws
From the pearly winged hornet drunkenly dying.
Listen! All is quiet; dream of your belovèd.
This evening, beneath the foliaged limes,
The rays of the setting sun bid a sweeter farewell.
This evening, all will flower. Immortal nature
Is filled with perfume, love and whispers
Like the joyful bed of the newly married.

Poet
Why does my heart beat so quickly?
What agitation is this that I feel
And fills me with dread?
Does somebody knock at my door?
Why is my half-dead lamp
Dazzling me with its light?
Great God! My whole body is trembling
Who comes? Who calls? - Nobody.
I am alone; it is the hour that strikes;
O solitude! O poverty!

Muse
Poet, take up your lute; the wine of youth
Ferments tonight in the veins of God.
My breast is disturbed oppressed by sensual delight;
And the changing winds have set my lips on fire.
O indolent child, look at my beauty
Our first kiss, do you not remember,
When I saw you so pale at the touch of my wing
And, with tearful eyes, you fell into my arms?
Ah! How I consoled you in your bitter affliction!
Alas! Still in your youth, you would die of love.
Now, console me tonight, I am dying of hope;
I am in need of prayer to live until day.

Poet
Is it you whose voice is calling?
O my poor muse, is it you?
O my flower! O my immortal!
Here, alone, pure and faithful
Where, still, your love for me may live!
Yes, I see you. It is you my fairest!
It is you my mistress and sister!
And I feel in deepest night
That your golden robe floods me about
With rays gliding into my heart.

Muse
Poet, take up your lute, it is I, your immortal,
Who has seen you tonight so sad and silent;
And who, like a bird that calls to its clutch,
Descends from the heights of the skies to weep with you.
Come. You are suffering, my friend. Some solitary grief
Gnaws at your life. Something groans in your heart;
Some love, such as one sees on earth, has come,
A shadow of gladness, a semblance of pleasure.
Come! Let us sing before God; let us sing your thoughts
In your pleasures lost, in your pains of the past.
Let us depart in a kiss for a world unknown.
Let us waken at random your echoes of life,
Let us speak of pleasure, glory and folly
Be it a dream and the first that comes.
Let us conjure a place where one may forget;

Let us depart, we are alone and the universe ours.
There is the green of Scotland, and Italian brown
And Greece, my mother, where the honey is sweet;
Argos and Pteleon, the place of tombs,
And Messa divine fancied by doves;
And the changing face of Pelions brow
And the blue Titarese and the gulf of silver
That displays in its waters, where the swan is mirrored,
White Oloossone to white Camyre.
Tell me what golden dream cradles our songs.
From where come the tears that we pour?
This morning, when the day first struck your eye,
What thoughtful seraph, bent over your bedside,
Shook lilacs into your softened dress
And quietly whispered the loves that he dreamed?
Shall we sing of hope, sadness or joy?
Shall we soak in the blood of steel clad battalions?
Shall we suspend the lover on a silken ladder?
Shall we throw to the winds the foam of our galloping steed?
Shall we tell what hand in lamps without number
Lights, night and day, the celestial mansion
With holy oil of life and undying love?
Shall we shout to Tarquin " It is time. Look! It is dark "
Or dive for pearls in the depths of the sea?
Shall we lead the goat to the bitter ebony trees?
Shall we display the sky to melancholy?
Or follow the hunter through steep sloping hills
Where the doe looks upon him, tearfully pleading,
The heathland awaits her; her young newly born;
He stoops to the slaughter, he throws to the pack
Of baying dogs the still beating heart.
Shall we paint a young maiden with purpled cheek
Going to mass with her page following after
And with a worried look at the side of her mother
With parted lips forgetting her prayers?
She listens atremble by the echoing pillar
That resounds to the spurs of a bold cavalier.
Shall we tell of the heroes in the old days of France
Scaling, fully armed, battlemented towers
And revive the tales of romance
Forgotten glories of which inspired the minstrels?
Shall we clothe an elegy in tender white?
Or bid the man of Waterloo to tell his life
And how he broke his human herd
Before the herald of endless night sent him,
With a blow of his wing, to his mound of green,
His two arms crossed on his heart of iron?
Shall we nail a haughty satire to a post
The name sold seven times over by a pale pamphleteer
Who, pressed by hunger, from his depths obscure,
Comes, quivering with impotence and envy,
To insult the hope on the brow of genius
And gnaw the laurel that his breath has soiled?
Take up your lute. Take up your lute. I can no longer be silent.
My wing lifts me upon the sweet breath of spring.
The wind will bear me aloft and I shall be leaving the earth.
But you weep! God has heard; the hour is nigh.

Poet
If only this you ask, dear sister mine:
A kiss from a friendly lip;
And a tear from my eye,
Gladly, shall I give them to you
As a remembrance of love;
But, if you soar again into the skies,
I shall sing neither of hope
Nor of glory, nor of gladness;
Alas, not even of suffering.
My mouth now keeps its silence
To hear the speech of my heart.

Muse
Do you think that the autumn wind is my guide
That feeds on tears even unto the tomb
And for whom grief is but a drop of water?
O poet! A kiss! It is I who gives it;
The weed that must be rooted out from this place
Is your indolent self. Your grief is that of God.
Whatever it be that your youth endures,
Seek your relief from this holy wound
Placed by dark spirits into the depths of your heart;
Nothing makes us greater than a noble grief.
But, for a being subjected so, O poet, be not persuaded
That, here below, dumb may be your voice.
The most desperate songs yield the greatest beauty
And I know of immortal ones that are the purest sobs.

When, in the evening mists, the pelican returns
From his travels abroad to his nest of reeds,
His famished young run over the shore
On seeing him swoop, far away, over the waters.
Already thinking to seize and to share the prey,
They run to their parent with cries of joy
Shaking their beaks on hideous necks.
Slowly, now, he gains a perch on a rock
Sheltering his young with his wing held wide,
A melancholy fisher gazing up to the sky.
In long streaks from his opened breast flows his blood;
In vain has he searched the depths of the sea;
The ocean empty, the shoreland bare;
For nourishment, he has brought his heart.
Sombrely and silently, stretched upon the rock,
He shares a father's organs with his sons
In a love sublime, he cradles all his grief;
He sees the blood run down upon his breast
And in his feast of death, sags and staggers
Drunk with voluptuous tenderness and horror.
But, then, amid this sacrifice divine,
Fatigued by dying in such a protracted agony,
He fears that his offspring may not let him live;
Thus, he rouses, opens his wing to the wind
And, beating his heart with a wild cry,
Thrusts into the night such a funereal farewell
That the birds of the sea desert their shore
And the traveller, lingering on the beach,
Feels death passing by and commends himself to God.

Poet! Thus it is with all great poets.
In their leaving, generous to those who live the while;
But the banquets that they serve at their feasts
Mostly resemble those of the pelican.
When, thus, they speak of hopes deceived
Of sadness, forgetfulness, love and misfortune,
It is not a concert to expand the heart.
Their oratory is that of swords
That trace a glittering circle in the air
From which there always hangs some drops of blood.

Poet
O muse, insatiable wraith,
Be not so bold in your demands.
Man writes nothing in sand
At times when whirlwinds blow.
I have known in former days
When youth was there upon my lips,
A time to sing like a fluttering bird;
But I have suffered a martyrdom severe
And the little that I could say,
If I were to play upon my lyre,
Would break it like a reed.

Translation: © David Paley



Mai Nacht
Alfred de Musset

Muse
Dichter, nimm dir deine Laute auf und gib mir einen Kuss;
Der Duft der wilden Rose bricht vom blühenden Knospen aus.
Der Frühling wird heute Abend geboren; die glühenden Winde blasen:
Und die Bachstelze, die auf die Dämmerung wartet,
Hockt im frisch gewordenen grünen Busch.
Dichter, nimm dir deine Laute auf und gib mir einen Kuss;

Dichter
Wie dunkel ist es im Tal!
Ich glaubte, dass eine geschlierte Gestalt
Habe dort über dem Wald geschwebt:
Sie kam vom Felde
Der Fuß streifte das blühende Gras;
Was für eine Vision ist dies,
Die schwindet und verschwindet!

Muse
Dichter, nimm dir deine Laute auf; die Nacht auf dem Rasen
Wiegt den Zephir in ihren duftenden Flügeln.
Die noch jungfräuliche Rose zieht unschuldig zurück
Vom perlgeflügelten Hornisse, die berauschend stirbt.
Horch! Alles ist ruhig! Träume von deiner Geliebten.
Heute Abend unter den Linden im Laub
Sagen die Strahlen der Dämmerung einen süßeren Lebewohl.
Heute Abend wird alles blühen. Unsterbliche Natur
Ist mit Parfum, Liebe und Flüstern gefühlt,
Wie im fröhlichen Bett der Neuvermählten.

Dichter
Warum schlägt mein Herz so schnell?
Was für Erregung ist dies, dass ich fühle
Und mich mit ständiger Angst erfüllt?
Klopft jemand an die Tür?
Warum blendet mir meine halb getötete Lampe
Mit ihrem Licht?
Großer Gott! Mein ganzer Körper zittert.
Wer kommt? Wer ruft? - Keine.
Ich bin allein; die Stunde schlägt
O Einsamkeit! O Armut!

Muse
Dichter, nimm dir deine Laute auf. Der Wein der Jugend
Gärt heut Nacht in den Adern Gottes.
Meine Brust stört, lustbetont bedrückt;
Und die sich ändernden Winde haben meine Lippen angezündet.
O Du faules Kind, schau meine Schönheit an.
Unseren ersten Kuss, erinnerst Du daran,
Wann ich dich so bleich gesehen habe, als mein Flügel dich berührte
Und mit tränenvollen Augen Du in meinen Armen gesunken bist?
Ach! Wie ich dich in deiner bitteren Not getröstet habe.
Leider! Noch in der Jugend würdest Du aus Liebe sterben.
Tröste mich heut Nacht. Ich sterbe vor Hoffnung;
Jetzt brauche ich dein Gebet, um bis Tag zu leben.

Dichter
Ist es Du, deren Stimme ruft?
O meine arme Muse, ist es Du?
O meine Blume! O meine Unsterbliche!
Hier allein rein und treu,
Wo deine Liebe für mich noch bleibt!
Jawohl! Ich sehe dich. Du bist es, O meine Holde!
Es ist Du, Braut und Schwester mein!
Und ich fühle in der tiefsten Nacht,
Das dein goldenes Gewand mich überflutet
Mit Strahlen, die in mein Herz nun gleiten.

Muse
Dichter, nimm dir deine Laute auf. Es bin ich, deine Unsterbliche
Wer dich heut Nacht gesehen hat, so traurig und schweigend
Und wer wie ein Vogel, der zu seinen Jungen ruft,
Aus der Höhe fällt, um mit dir zu weinen.
Komm, mein Freund! Du leidest. Irgendeinen Gram
Nagt an dein einsames Leben. Etwas stöhnt in deinem Herzen;
Eine Liebe, die man auf Erde sieht, ist angekommen;
Ein Schatten der Freude, ein Anflug der Vergnügung.
Komm! Lass uns vor Gott singen. Lass uns deine Gedanken singen
In deinen verlorenen Vergnügungen, in deiner Pein der Vergangenheit.
Lass uns in einem Kuss an eine unbekannte Welt abreisen.
Lass uns auf Geratewohl Echos aus deinem Leben erwecken
Lass uns von Vergnügungen Ruhm und Wahnsinn sprechen
Sei es ein Traum und der Erste, der kommt.
Lass uns eine Stelle der Vergesslichkeit herbeizaubern;

Lass uns abreisen. Wir sind allein und das Universum gehört uns.
Es gibt das Grün des Schottlands und Italienisches Braun
Und Griechenland, meine Mutter, wo Hönig süß ist;
Argos and Pteleon, die Stelle der Grabmalen,
Und die göttliche Messa, die die Tauben bewundern;
Und der ändernde Blick Pelions Stirn
Und die blaue Titarese und den Golf von Silber
Der in seinem Gewässer, wo der Schwan gespiegelt wird,
Die weiße Oloossone an weiße Camyre zeigt.
Sag mir welcher goldene Traum unsere Lieder wiegen wird.
Woher kommen die Tränen, die wir strömen?
In der Frühe, wann der Tag dein Aug getroffen hat,
Welcher gedankenvoller Seraph, über dein Bett gebeugt,
Hat Lila in deine weichen Robe gesprenkelt
Und leise die Liebe geflüstert, die er davon träumte?
Singen wir von der Hoffnung, Traurigkeit oder Frohsinn?
Vertiefen wir uns im Blut des stahlgepanzerten Bataillons?
Hängen wir den Liebhaber auf einem Seidenleiter auf?
Werfen wir zu den Winden der Schaum unseres galoppierenden Rosses?
Sagen wir welche Hand in Lampen ohne Zahl
Tag und Nacht die himmlische Villa leuchtet
Mit dem heiligen Öl des Lebens und der unsterblichen Liebe?
Rufen wir an Tarquinius "Es ist Zeit. Es dunkelt"
Oder tauchen wir in den Tiefen des Meeres, um Perle zu fischen?
Leiten wir die Ziege an die bitteren Ebenholz Bäume?
Zeigen wir den Himmel an die Schwermut;
Oder folgen wir dem Jäger durch die steilen Abhänge,
Wo das Reh schaut ihn an, tränenvoll bittend?
Die Heide wartet auf sie; ihre Junge neugeboren;
Er beugt sich zum Schlacht, er wirft zu der Meute
Der bellenden Hunden das noch schlagende Herz.
Malen wir ein keusches Mädchen mit roter Wange,
Das zur Messe geht, während die Page folgt?
Mit sorgenvollem Blick an der Seite der Mutter
Mit geöffneten Lippen, hat es die Gebete vergessen
Und bei der widerhallenden Säule, hört es zitternd an,
Die schallenden Sporen eines kühnen Kavaliers.
Preisen wir die Helden aus den alten Tagen vom Frankreich,
Die völlig bewaffnet die Zinnen erklettern
Und aus den alten Erzählungen
Den vergessenen Ruhm erwecken, der die Minnesänger erfüllt?
Kleiden wir eine Elegie im zarten Weiß?
Oder sagen den Mann von Waterloo seine Geschichte zu erzählen
Und wie er die Meute des Menschen gebrochen hat,
Bevor der Herold der endlosen Nacht ihn
Mit einem Schlag seines Flügels zu seinem grünen Hügel geschickt hat,
Die beiden Arme auf seinem eisernen Herzen gekreuzt?
Nageln wir eine überhebliche Satire auf den Pfosten,
Der Name von einem blassen Flugschrift Schreiber siebenmal verkauft,
Der mit Hunger bedrängt und aus unbekannten Tiefen,
Kommt zitternd mit Machtlosigkeit und Neid,
Um Hoffnung auf der Stirn der Genie zu beleidigen
Und den Lorbeerkranz anzunagen, der er mit seinem Atem beschmutzt hat?
Nimm dir deine Laute auf. Nimm dir deine Laute auf. Ich kann nicht mehr schweigen.
Mein Flügel erhebt mich auf dem süßen Atem des Frühlings.
Der Wind wird mich hinauf tragen und ich werde die Erde verlassen.
Aber Du weinst! Gott hat gehört; die Stunde ist nah.

Dichter
Wenn Du nur dies zu bitten wärest, Schwester mein:
Ein Kuss von einer freundlichen Lippe,
Eine Träne von meinem Auge;
Gerne würde ich sie dir schenken
In Erinnerung der Liebe;
Aber wenn Du in den Himmel zu schweben wärest
Singe ich weder von Hoffnung
Noch Ruhm auch nicht von der Freude;
Leider nicht einmal vom Leid.
Mein Mund schweigt noch,
Um die Rede meines Herzen zu hören.

Muse
Denkst Du, dass der Herbstwind mir führt,
Der auf Tränen futtert, auch bis zum Grab
Und für wen der Gram nur ein Wassertropfen ist?
O Dichter! Ein Kuss! Es bin ich, die es dir gibt;
Der Unkraut, der von dieser Stelle entwurzelt werden muss,
Ist deine Trägheit. Dein Gram gehört Gott.
Was auch immer es sei, dass deine Jugend stört,
Such dir deine Erleichterung von dieser heiligen Wunde,
Die von dunklen Geistern in die Tiefe deines Herzens gesetzt wurde;
Nichts macht uns grösser, als ein edler Gram.
Doch für ein Mensch so unterworfen, O Dichter, sei nicht überredet,
Dass hier unten deine Stimme auch stumm darf.
Die meist verzweifelten Lieder bringen die größte Schönheit hervor
Und ich kenne unsterblichen, die reinste Schluchzen sind.

Wenn am Abend im Nebel, kehrt der Pelikan
Von seinen Reisen an das Schilfnest zurück,
Laufen seine ausgehungerten Jungen über dem Gestade,
Als sie ihn in der Ferne über das Gewässer herabstoßen sehen.
Schon mit dem Gedanke die Beute an sich zu greifen und zu teilen,
Laufen sie mit Jubelschreien an den Vater,
Während sie die Schnabel auf grauenhafte Hälse schütteln.
Langsam klettert er auf einen Felsen
Und bewährt die Jungen unter den ausgebreiteten Flügeln;
Ein schwermutiger Fischer, der an den Himmel blickt.
In langen Streifen aus seiner geöffneten Brüste fließt das Blut;
Vergeblich hatte er die Tiefen des Meeres durchstreift;
Der Ozean leer, das Gestade nackt;
Für die Nahrung hat er sein Herz geöffnet.
Düster im Schweigen hat er sich auf den Felsen gestreckt,
Um die Eingeweide des Vaters mit den Söhnen zu teilen,
Wobei er in dieser erhabenen Liebe all sein Gram geborgen liegt;
Er blickt das Blut an, das herunter auf der Brust fließt
Und in seinem Todesfest sinkt und schwankt,
Betrunken mit sinnlicher Zärtlichkeit und Grauen
Aber dann mitten in diesem heiligen Opfer
Erschöpft beim Sterben in seiner verlängerten Qual,
Fürchtet er, dass seine Jungen ihn nicht leben lassen konnten;
Er bewegt sich also und öffnet seinen Flügel zum Winde
Und mit einem Schlag des Herzen und einem wilden Schrei
Stößt in die Nacht solch ein trübseliges Lebewohl,
Dass die Meeresvögel das Gestade verlassen
Und der Reisender, der auf dem Ufer verweilt,
Fühlt der Tod vorbeigehen und sich zu Gott befehlt.

Dichter! So ist es mit allen großen Dichtern.
Großzügig sind sie beim Verlassen der Lebendigen;
Aber die Bankette, die sie für die Festengäste bereiten,
Gleichen die des Pelikans;
Wenn sie von enttäuschten Hoffnungen sprechen
Von Traurigkeit, Vergesslichkeit, Liebe und Missgeschick
Ist es kein Konzert, um das Herz zu erweitern.
Ihre Redekunst ist das von Schwertern,
Die glitzernden Kreise in der Luft malen,
Wovon immer einige Bluttröpfe hängen.

Dichter
O Muse, unersättliches Gespenst,
Sei nicht so dreist in deinem Verlangen.
Der Mensch schreibt nichts in dem Sand
In Zeiten der Wirbelwinde.
Ich habe in den früheren Tagen eine Zeit erlebt,
Worin die Jugend auf meinen Lippen
Bereit wie einen flatternden Vogel zu singen war;
Aber ich habe von einem Martyrium gelitten
Und das Wenig, dass ich sagen könnte,
Wenn ich es auf meiner Leier zu spielen wäre,
Würde sie wie ein Schilfrohr zerbrechen.

Übersetzung: © David Paley